A propos de l’auteur
J’ai vécu une enfance idéale pour un auteur, pleine de voyages, d’aventures et de créatures étranges. J’ai grandi en Zambie jusqu’à l’âge de sept ans. Enfant, je ne me préoccupais pas de la chaleur, de l’humidité, des maladies, de la poussière, des trois jours de piste pour rejoindre le premier hôpital, de comment assurer notre subsistance ou trouver une pièce de rechange pour la voiture. J’étais occupée à tout autre chose.
Mon meilleur ami était un petit zambien nommé Godfrey, pour qui les livres servaient à être découpés pour faire des chapeaux, mais qui n’avait pas son pareil pour faire apparaître à nos yeux une horde d’indiens pourchassés par des cow-boys ou des explorateurs intrépides. Ma petite troupe d’amis incluait, parmi d’autres, une russe, des indiens, des hollandais et des égyptiens.
Je n’allais pas à l’école. Je passais donc tout mon temps à vivre de formidables aventures imaginaires avec mes amis, et à explorer mon environnement. J’observais les animaux avec passion. Je promenais d’énormes insectes odorants dans le panier de mon petit vélo, et je les installais dans ma chambre. Ils passaient quelques jours accrochés par grappes à mes rideaux avant d’être miséricordieusement relâchés par mes parents. Il y avait aussi les serpents – cobras, mambas – les caméléons, les buffles, les zèbres et toute la faune bien connue des animaux africains. A force de les observer, j’avais le sentiment de comprendre leur façon de vivre. J’étais capable de manipuler des insectes venimeux sans jamais me faire piquer. Tout cela me paraissait tout à fait normal.
Puis, ce fut le retour en France, le choc culturel par excellence. Je passai d’une liberté quasi-totale à ce qui m’a semblé être une vie carcérale dans petit appartement citadin avec un emploi du temps inflexible. Tout m’intéressait, je voulais tout essayer, tout explorer, tout comprendre, mais je n’en n’avais plus le temps. Je ne devais m’intéresser qu’à ce qu’on m’enseignait, et dans l’ordre où on me le présentait. Je me rappelle avoir pensé que n’avoir qu’une seule vie dans ces conditions était nécessairement insuffisant, et qu’il m’en faudrait plusieurs.
Je tentais de comprendre les mœurs de mes nouveaux camarades pour essayer de me faire une place parmi eux. J’étais totalement désorientée par le bruit, les moteurs, les lumières, les publicités et les exigences de tous ces gens que je ne comprenais pas. J’avais le sentiment d’être une extra-terrestre. D’ailleurs, dès que j’ai su lire, j’ai commencé par La voie martienne d’Asimov et je me suis passionnée pour la science-fiction. Le monde dans lequel je vivais me frustrait tellement que je me suis passionnée pour les autres mondes possibles et pour ce qu’on pouvait extrapoler de notre réalité. Je me suis mise à vivre en imagination.
Ensuite, le génie de la lampe m’a accordé mon vœu : j’ai effectivement vécu plusieurs vies. J’ai été guide touristique, j’ai travaillé dans une bibliothèque, j’ai été professeur d’anglais, assistante de direction, chargée de communication et professeur des écoles. A présent, je vis de mon auto entreprise alimentaire. Et il ne s’agit là que de ma vie professionnelle. A chaque fois, j’ai découvert des gens, des fonctionnements, des modes de pensée différents. C’était parfois douloureux, mais toujours enrichissant.
J’ai vécu, en parallèle, toutes les vies imaginaires offertes par mes lectures. Je sais la valeur des livres. Ils sauvent des vies. Ils offrent une multitude de vies sensées et extraordinaires aux forçats du quotidien. Ils nous offrent une liberté inaliénable.
Pendant toutes ces années, j’avais constamment des histoires qui tournaient dans mon esprit. Je réécrivais les films ou les livres qui m’avaient déçus, j’imaginais les vies de ceux que je croisais, je réécrivais la réalité, j’imaginais tous les possibles.
La vie a jugé bon de me ballotter d’un rocher à l’autre, d’un pays à l’autre, et d’une vie à l’autre. J’étais toujours cognée, puis jetée dans de nouveaux remous. Je n’y trouvais aucun sens, et je ressentais même une certaine injustice au regard de ceux qui flottaient paisiblement sur un long fleuve tranquille. Mais j’ai compris finalement que tout cela prend sens dès que je me mets à écrire. Mon expérience me permet de voir à travers d’autres yeux, de ressentir d’autres vies, et donc d’habiter différents personnages dans toutes sortes d’univers.
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